Reflexions sur le tourisme à l'ère des réseaux sociaux
Ma mère est toujours étonnée quand je lui montre mes photos de vacances.
Elle s’attend à ce que, tel un bon touriste, je prenne tout en photo, notamment les lieux très touristiques.
Quelle utilitée de prendre une photo d’un lieu que l’on voit partout sur les réseaux ?
Des photographes talentueux prennent ces lieux en photo, dans des conditions parfaites, avec du bon matériel, et publient ces photos sur Instagram.
Avec mon smartphone qui a 3 ans un jour nuageux rempli de touristes, ma photo est juste ridicule.
Je connais les lieux où je me suis rendu. Si je souhaite revoir des photos, je peux faire une recherche sur Google pour en trouver de très jolies.
En fait, mon album photo contient uniquement en photo des choses aléatoires ou surprenantes. Comme une affiche publicitaire qui me fait rire ou une pâtisserie avec un drapeau de la France sur l’emballage mais qui n’a aucun lien avec la pâtisserie française.
Lors de mon dernier voyage au Japon, j’ai visité des lieux soit disant incontournables par les réseaux sociaux, et d’autres par curiosité loin des touristes.
Quelques réflexions me sont venues en tête. Je les ai développés et regroupés ici.
Instagram est au tourisme ce que l’ETF est à l’investissement
Pour les personnes qui sont étrangères au milieu de la finance, un ETF est un produit d’investissement qui regroupe un certain nombre d’actifs, souvent autour d’un indice ou d’une thématique.
On trouve par exemple des ETF qui représentent l’indice SP500, c’est-à-dire les 500 plus grandes entreprises américaines cotées en bourse. Plutôt que d’acheter individuellement ces 500 actions, je peux acheter une part de cet ETF.
Aujourd’hui, les ETFs sont devenus une manière facile pour n’importe qui d’investir passivement sur les marchés. Pas de recherche préalable sur les entreprises, j’achète les 500 plus grosses et ça devrait le faire.
Quelques remarques sur les ETFs
- En achetant un ETF, on achète des actions que l’on n’aurait pas achetées individuellement. Mais comme elles sont dans le panier, on en possède.
- La mode des ETFs, liée notamment à leur facilité, apporte un flux de capitaux énorme sur certains actifs. Dans le cas du SP500, ça renforce ce top 500 au détriment des autres actions en dehors. On peut même parler de surévaluation de certains actifs.
- Tout le monde possède les mêmes actions dans son portefeuille.
Quel rapport avec le tourisme ?
Utiliser les réseaux sociaux et Google pour préparer son voyage est commun. Mais dans les deux cas, tout le monde voit le même contenu
- les mêmes publications populaires sur Instagram
- Les sites les mieux référencés sur Google
Donc les mêmes lieux à visiter ou choses à faire pour la même destination.
Tout comme les ETFs, les réseaux sociaux et blogs simplifient notre travail de recherche.
Tout comme les ETFs, les réseaux sociaux et blogs attirent les flux aux mêmes endroits.
On se retrouve avec une expérience de voyage similaire et des lieux touristiques bondés de monde.
En bourse, les personnes qui choisissent leurs actions plutôt que d’acheter des ETFs prennent plus de risques et dédient plus de temps à la gestion de leur portefeuille. Mais les gains peuvent être plus élevés.
De la même manière, mieux se renseigner sur la destination et rechercher d’autres lieux à visiter peut s’avérer payant.
Instagram VS réalité
En rentrant de ma visite à Fushimi Inari-taisha, sans doute le lieu le plus instagramable de Kyoto, j’ai croisé deux Françaises qui allaient dans la même direction que moi.
Curieux, je marchais derrière elles en écoutant leur conversation.
Leur mission était de trouver le meilleur thé matcha. En effet, Kyoto est notamment connu pour le thé matcha.
Jusqu’ici rien d’anormal.
Reste à définir “meilleur”.
Ici il n’était pas question de goût, ou d’authenticité du thé, mais d’apparence.
Quel matcha serait le plus esthétique pour Instagram.
Avant que nos chemins se séparent, elles avaient l’air d’être tombées d’accord sur un matcha avec des morceaux de fruits.
J’espère qu’il était rafraîchissant. Il faisait 28 degrés tout de même ce jour-là !
Veni, Vidi, Delusi - Je suis venu, j’ai vu, j’ai été déçu
Les réseaux nous montrent toujours des photos parfaites. Une belle météo, aucun touriste, rien n’est fermé ou en travaux, …
Quand on se rend finalement sur place, rien n’est parfait.
C’est comme aller à Paris après avoir regardé Emily in Paris. On s’attend à voir de belles terrasses de café fleuries en bas de de beaux immeubles haussmanniens. La réalité en est tout autre.
Planifier son voyage en voulant voir exactement ce que l’on voit sur Instagram, c’est la meilleure façon d’être déçu.
En général je ne m’attends à rien de particulier, et j’improvise. De cette manière, je ne peux qu’être agréablement surpris.
Ambiance Disneyland
Avant de voyager dans un pays, on a tous une idée vague, remplie de clichés, de la culture de ce pays. Et les locaux en font leur commerce.
Si les touristes veulent voir des Japonais en Kimono devant des temples en train de préparer des ramens, alors c’est ce qu’il va leur être proposé.
On voit donc des touristes se promener fièrement dans un Kimono qu’ils ont loué, et manger des ramens 3 fois plus cher que le prix dans un petit restaurant de quartier. Parce que oui, sur ces lieux, on trouve toujours des restaurants qui font toutes les spécialités du pays connues des touristes. D’une qualité médiocre forcément, et à un prix élevé.
D’ailleurs, ça me donne une idée de business. Une location de costumes de Louis XV pour que les touristes puissent prendre une photo d’eux en Louis XV devant la tour Eiffel en mangeant un croissant. So French!
Touche pas à ça p’tit con
Les Japonais fréquentent aussi les lieux touristiques, notamment les temples.
Pourtant, j’ai remarqué que certains panneaux d’avertissement sont uniquement écrits en anglais. Et la plupart du temps, pour des choses bêtes et évidentes. Par exemple : ne pas s’avancer au bord de la falaise. Bref, un avertissement pas nécessaire pour une personne avec un minimum de neurones et de bon sens.
Ça montre à quel point nous, les occidentaux, on passe pour des débiles vis-à-vis de cultures mieux éduquées.